Petit opus rédigé voici quelques jours pour l'Observatoire Boivigny, interview de Pierre Veltz à propos de l'ouvrage 'Faut-il sauver les grandes écoles" dont il a déjà été –brièvement– question ici.
« Faut-il sauver les grandes écoles ? ». Tel est le titre de l'ouvrage (1) incisif que vient de signer Pierre Veltz, l'ancien directeur de l'Ecole des Ponts mais aussi de ParisTech. Convaincu que le modèle actuel est à bout de souffle, il dénonce le malthusianisme stérile des grandes écoles d'ingénieurs et leur manque de poids dans la recherche mondiale.
Pourquoi avoir titré "Faut-il sauver les grandes écoles"? La question se pose-t-elle en ces termes ?
Dans ce livre, j'ai surtout voulu souligner la faiblesse de grandes écoles d'ingénieurs qui, malgré des formations de qualité, sont menacées de marginalisation au plan international. Il s'agissait également de suggérer un certain nombre d'évolutions pour demeurer plus en phase avec ce qui se passe dans le reste du monde.
Dans ce livre, j'ai surtout voulu souligner la faiblesse de grandes écoles d'ingénieurs qui, malgré des formations de qualité, sont menacées de marginalisation au plan international. Il s'agissait également de suggérer un certain nombre d'évolutions pour demeurer plus en phase avec ce qui se passe dans le reste du monde.
Pourquoi craindre une marginalisation des écoles d'ingénieurs ?
Tout en formant des diplômés de grande qualité, de vrais généralistes
également très doués pour les sciences, nos écoles souffrent de toute
une série de handicaps. Tout d'abord, elles pratiquent une
hyper-sélectivité sociale, même si les racines du mal remontent bien
au-delà du concours et des classes prépa. Deuxième handicap majeur, ces
écoles ne sont plus à la dimension internationale avec leurs promotions
de 100 à 400 ingénieurs ! Trop petites, elles n'ont pas la masse
critique en matière de recherche et s'avèrent incapables d'investir à
grande échelle ces champs prometteurs mais gourmands en moyens que sont
la médecine, la biologie ou encore l'énergie. De taille trop réduite,
les institutions françaises qui se pensent excellentes demeurent donc
inconnues à l'étranger. La faute aussi à des appellations qui ont perdu
tout leur sens. « Ecole des Ponts », « Ecole des Mines », «
Polytechnique » : ces noms peuvent largement prêter à confusion pour
qui ne connaît pas la subtilité de notre système. Or l'enseignement
supérieur, comme le luxe, est un monde de marques. Et les seules
véritablement connues demeurent aujourd'hui américaines : Caltech,
Harvard ou le MIT.
Bilan : nous sommes aujourd'hui absents de ce circuit de plus en plus mondialisé qu'est la formation des élites scientifiques, techniques et même politiques.
Bilan : nous sommes aujourd'hui absents de ce circuit de plus en plus mondialisé qu'est la formation des élites scientifiques, techniques et même politiques.
Votre ouvrage met aussi l'accent sur la nécessaire évolution des mentalités...
Oui, car même s'il est parfait pour former les cadres et les managers
des grandes entreprises du CAC 40, le système français n'est pas assez
orienté vers la recherche et l'innovation. Et les jeunes pas
suffisamment incités à se lancer dans la création d'entreprise. Il
manque en France, à l'heure de l'économie de la connaissance, tout ce
contexte et ce bouillonnement qui prévaut dans les universités
américaines.
Quelles solutions proposez-vous ?
Il faut tout d'abord encourager les regroupements. Et par exemple aller
plus loin dans le processus de consolidation de ParisTech. Attention,
je ne parle pas non plus de créer partout de très grands complexes. Des
promotions d'un millier d'ingénieurs constitueraient déjà un très grand
progrès, de quoi bâtir de grands ensembles riches en formations, plus
souples et plus ouverts.
Prenons pour exemple le regroupement annoncé voici quelques années des Ponts, des Mines et de l'Ensta, que je soutenais. L'idée de base était simple : il s'agissait non pas de recruter à trois reprises une centaine d'élèves mais bien de faire venir 300 jeunes à qui l'on aurait pu proposer dans un groupe plus vaste des cursus variés et moins cloisonnés.
Je propose également de développer la recherche pour aborder enfin les grands sujets de demain, ce qu'aucune école ne peut aujourd'hui faire seule. Il faut enfin internationaliser le corps enseignant.
Prenons pour exemple le regroupement annoncé voici quelques années des Ponts, des Mines et de l'Ensta, que je soutenais. L'idée de base était simple : il s'agissait non pas de recruter à trois reprises une centaine d'élèves mais bien de faire venir 300 jeunes à qui l'on aurait pu proposer dans un groupe plus vaste des cursus variés et moins cloisonnés.
Je propose également de développer la recherche pour aborder enfin les grands sujets de demain, ce qu'aucune école ne peut aujourd'hui faire seule. Il faut enfin internationaliser le corps enseignant.
Le Financial Times vient tout juste de mettre à l'honneur les performances des écoles françaises de management... En quoi sont-elles si différentes des écoles d'ingénieurs?
Très franchement, et malgré les réserves de mon livre, je pense que les
écoles d'ingénieurs sont souvent aussi dynamiques que les écoles de
management. La question de la taille se pose cela dit beaucoup moins
pour nos écoles de commerce. Guère plus petites que leurs homologues
étrangères, elles n'ont pas une certaine masse critique à atteindre,
alors que le problème est crucial pour leurs homologues confrontées à
des domaines comme la biologie ou l'informatique exigeant pour rester
dans la course des moyens beaucoup plus considérables.
(1) Presses de Sciences Po, « Nouveaux Débats », 2007.
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